Transmission en France: des alternatives peu connues
Le barême des successions en France
La succession en France, c’est toute une affaire. Plus l’on a un patrimoine important et moins l’on a d’enfants, plus elle est élevée.
Si tu n’as pas pris de précautions préliminaires, un enfant héritant de 2m devra en laisser 30% à la case impôts, que le patrimoine soit liquide ou non. Cela peut le mettre en difficulté et le forcer à vendre des biens en catastrophe. Un cadeau à éviter…
Pour des montants plus élevés, la note peut monter jusqu’à 45%. Voir le barême ici ainsi qu’un simulateur ici.
Quel est le patrimoine soumis à la succession française?
pour les résidents français ou les non-résidents ayant un héritier résident français, tout le patrimoine fait partie de la succession, qu’il soit situé en France ou à l’étranger.
les non-résidents ayant un héritier également non-résident ont une succession française restreinte à leur immobilier français, détenu en direct ou à travers des sociétés.
attention, les règles qui déterminent la résidence française sont assez larges et dépendent de l’origine des intérêts économiques et pas uniquement de la résidence physique de la personne (règles et cas détaillés).
Les alternatives peu connues
Pour ceux qui connaissent déjà les classiques et les moins classiques sur le bout des doigts!
Pour ceux qui ont besoin de rafraichir leur mémoire, poursuivre jusqu’à la prochaine section, “Les Classiques”.
Alternative A: Profiter d’une expatriation
À partir de la 7e année d’expatriation avec ton enfant, tu peux donner des biens mobiliers et immobiliers non situés en France sans être redevable de droits de donation français (source).
Même s’il n’y en a pas, la donation n’est pas tout à fait gratuite car il y a des frais de notaire à payer pour les actes de donation.
Elle est donc à éviter si toi et ton enfant êtes certains de rester expatriés, mais est intéressante dans l’autre cas, donc presque toujours (qui peut contrôler où son enfant choisira de vivre?).
En fonction de l’âge de l’enfant, des biens à transmettre, et des possibilités qu’offrent le pays, des donations en pleine propriété ou nu-propriété peuvent être envisagées.
Je te conseille d’avoir recours à un bon notaire notamment côté français, pour que l’opération soit bien validée par l’administration fiscale française. En parallèle, il t’appartient de te renseigner sur des droits de donation éventuels de ton pays de résidence.
Alternative B: La donation trans-générationnelle avec réincorporation
Lorsqu’on la connait, cette alternative est comme un tour de magie.
Si tu as bénéficié d’une donation de tes parents qui date de plus de 15 ans, tes parents peuvent réincorporer cette donation pour la transmettre à tes enfants, avec uniquement un droit de partage de 2.5% de la valeur actuelle du bien (plus environ 2% de frais de notaire).
Le cas le plus courant est celle d’une donation en nu-propriété. Cette opération permet à tes parents de transmettre cette nu-propriété à tes enfants, avec ton accord. Et si tu le souhaites, tu peux aussi garder un usufruit successif viager.
Il existe beaucoup d’options en fonction de tes besoins: la réincorporation peut n’avoir lieu que sur une partie des biens initialement donnés, et la rétention de l’usufruit successif viager peut n’avoir lieu que sur une partie des biens réincorporés.
Je te conseille d’avoir recours à un bon notaire ou avocat fiscaliste, car il y a des subtilités dans la mise en oeuvre de cette opération, notamment en ce qui concerne l’usufruit successif viager et les donataires mineurs.
Sources: BOI-ENR-DMTG-20-20-10 / article d’un notaire
Alternative C: Renoncer à son héritage
Une autre option peut être de tout simplement renoncer à ton héritage.
Il s’agit de tout ou rien, hors assurance-vie, parmi ce qui n’a pas déjà été transmis via donation. Avec une renonciation totale, tes enfants pourront se partager ton abattement de 100k. Tu pourras ainsi transmettre à un enfant unique sans coût additionnel.
Il est aussi possible, si le testament de ton parent le prévoit, d’avoir une option de cantonnement sur certains biens, pour que tu puisses renoncer à ces biens uniquement. Pour l’instant, cette option reste soumise aux droits grand-parents/petits-enfants, ce qui est moins bien avantageux car il n’y aura pas l’abattement de 100k.
Je te conseille d’avoir recours à un bon avocat fiscaliste, pour bien prévoir cette option en amont avec tes parents.
Les classiques
#1: La donation en nu-propriété
Chaque 15 ans, un parent bénéficie d’un abattement de 100k pour transmettre à chaque enfant. Et s’il donne de son vivant, il peut choisir de transmettre uniquement la nu-propriété (NP), qui vaut moins que la pleine propriété (PP) du bien, surtout lorsque l’on donne jeune (voir le barème).
Ainsi, un parent très prévoyant et optimisant au maximum pourra donner 100k à 35 ans, puis à 50 ans, puis à 65 ans, puis à 80 ans. Au cours de sa vie, chaque parent pourra transmettre l’équivalent de 890k cumulés sans droits de succession, ce qui correspond à 2.6m au moment de son décès (dans l’hypothèse d’un décès à 85 ans et un rendement net d’inflation de 3% des biens placés).
Un couple de parents pourrait donc en théorie transmettre 5m de patrimoine sans droits de succession! (mais avec environ 1% de frais de notaire).
Si tu n’as pas commencé assez jeune, tout n’est pas perdu. L’autre option classique pour transmettre est…
#2: L’assurance-vie
L’assurance-vie est intéressante pour transmettre jusqu’à 850k d’avoirs financiers par couple donateur/donataire. En effet, sur l’argent placé avant 70 ans: les premiers 152k peuvent être transmis sans droits, et les 700k suivants ne seront soumis qu’à un taux de 20% et n’augmentent pas les tranches applicables sur le reste de ta succession.
Un parent pourra ainsi transmettre 2m à un enfant avec 18.5% d’impôts au lieu de 30%.
A noter également qu’après 70 ans, les gains sont exonérés de droits de succession. Il peut être tout à fait pertinent de verser un montant limité (par exemple 400k, qui lui sera soumis aux droits de succession de 58k). Avec un profil de risque agressif et une longue durée de vie, il n’est pas impossible de transformer ces 400k en 2m, menant à un taux effectif d’imposition de 3%.
Contrairement aux successions et donations, il n’y a pas de frais de notaire à payer, mais tu auras un surcoût sur les frais totaux annuels - qui sont de 0.6% pour les meilleures assurances-vie au lieu de 0.2% pour les meilleurs comptes titres ou PEA.
Les moins classiques
#1: L’assurance vie avec clause de démembrement
Une clause de démembrement dans une assurance-vie permet de transmettre judicieusement sur plusieurs générations.
Les usufruitiers sont en général la génération intermédiaire, et les nu-propriétaires les petits-enfants.
A la mort du donateur, l’usufruitier a deux choix:
opter pour un placement démembré, que le nu-propriétaire récupérera à sa mort sans droit de succession
dépenser la somme, et avoir une dette envers le nu-propriétaire - ce qui diminue les autres droits de succession à sa mort
Supposons que tu n’as qu’un seul enfant (E), qui lui même n’a qu’un seul enfant (PE). Avec son conjoint (C) ils ont entre 51 et 60 ans à ta mort et donc leur usufruit vaut 50%. Voici un exemple de répartition des bénéficiaires d’un contrat d’assurance-vie de 2m:
Avantages
Donner des liquidités à tous (E, C, PE) pour payer les 16.5% de droits sur les 2m
Gratifier la génération intermédiaire sans exaggération: 150k et 120k sont libres d’être dépensés par l’enfant E et son conjoint C
Maximiser le montant transmis in fine à ton petit-enfant (PE), 1.4m, via la tranche à 20%
#2: La transmission d’entreprise
De manière générale, apporter un patrimoine à une entreprise peut permettre de le transmettre en plusieurs fois au lieu d’une et alléger un peu la transmission. Par exemple:
transmettre à 55 ans la nu-propriété d’un bien de 2m en une fois engendrera 213k de droits soient 11%.
loger ce bien dans une entreprise permettra de le donner en 2 fois: 1m à 55 ans, avec 78k de droits puis 1m à 70 ans, avec 98k de droits, et donc de diminuer la fiscalité à 9%.
Il existe deux schémas encore plus puissants, suivant ta situation.
1) Tu veux transmettre la nu-propriété une société opérationnelle, non immobilière, et peux t’engager à conserver les parts quelques années. Alors le pacte Dutreil permet de la transmettre avec un abattement de 75%. Tu peux donc transmettre la nu-propriété en une fois avec 28k de droits, soient moins de 2%.
2) Tu veux transmettre la nu-propriété d’un bien immobilier assez rentable (supposons 6%) que tu as en nom propre.
Alors tu peux le faire à moindre coût et aussi obtenir des liquidités. Comment?
En créant une société à l’IS qui te l’achète avec de la dette et la rembourse avec les loyers (1.6m à 2% sur 20 ans).
La valeur de la société nette de dette sera faible, 400k, ce qui réduit les droits à 18k, soient moins de 1%.
Et si tu n’as pas d’impôt sur la plus-value à payer, tu récupéreras 75% du montant du bien en liquidités, après avoir payé 5% de droits de mutation et apporté 400k à la société.
Cette opération est connue sous le nom d’OBO (Owner Buy-Out) et ne doit pas être faite avec un but principalement fiscal, sous peine d’être sanctionnée. Il convient donc de bien s’entourer et d’avoir recours à un avocat fiscaliste.
À propos de l'auteur
Bonjour, tu peux m’appeler Margot.
Je suis française expatriée en Suisse. Cela fait 15 ans que j’investis.
Avec une fortune dans les petits millions, je n’aurai probablement jamais de family office, alors je dois continuer à garder les choses en main. Comment aller plus loin, faire fructifier mon patrimoine et le transmettre à mes enfants?
AskMargot est mon témoignage, celui d’un pair, pour aller plus loin en gestion de fortune.
Tu y trouveras du contenu unique, plus avancé que ce que l’on trouve sur des blogs d’investissement débutants ou dans les bilans patrimoniaux des gestionnaires de patrimoine français ou suisses.
N’hésite pas à me contacter si tu veux échanger entre pairs sur ta stratégie patrimoniale.
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